Pour ou contre le téléphone portable à l’école ?
Il existait déjà avant 2018 un article encadrant l’utilisation du téléphone portable à l’école. C’était l’article L511-5 du Code de l’Éducation « Dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève, d’un téléphone mobile est interdite. »
Pour s’appliquer cette interdiction doit figurer dans le règlement intérieur.
Nous pouvons dès lors nous interroger sur le bien fondé d’une nouvelle loi ! Si une loi existe, pourquoi ne pas l’appliquer ?
A. Constat
Aujourd’hui, pratiquement chaque lycée possède son téléphone portable. Ce téléphone correspond le plus souvent à un smartphone. Le smartphone est un «ordiphone ou téléphone intelligent, est un téléphone mobile disposant en général d’un écran tactile, d’un appareil photographique numérique, des fonctions d’un assistant numérique personnel et de certaines fonctions d’un ordinateur portable. Il est bien plus performant que les premiers micro-ordinateurs.
Au collège, 75 % des élèves possèdent un téléphone portable, selon le journal télévisé de TF1.
Dès le primaire, les écoliers sont nombreux à posséder un tel outil.
Le prix d’un smartphone se démocratise, notamment au travers des formules d’abonnements puisque le prix comprend celui du téléphone.
Pour certaines personnes les jeunes enfants ne devraient pas posséder de téléphone, puisque lorsqu’ils étaient eux même enfants cela n’existait pas et qu’ils pouvaient s’en passer. C’est vrai ! L’électricité, l’eau courante, la voiture, le chauffage central n’a pas toujours existé et nous devions bien vivre sans !
Toutefois, il faut vivre avec son temps. Il faut aussi constater que de plus en plus de parents sont séparés et pour l’enfant avoir son propre téléphone permet de pouvoir communiquer avec l’autre parent chez qui il ne réside pas.
Beaucoup d’études montreraient le danger des écrans chez les enfants. Il faut distinguer d’une part les écrans non-interactifs comme la télévision, et d’autre part, les écrans interactifs comme ceux des tablettes. les écrans interactifs et particulièrement les tablettes aideraient les tout-petits dans leur développement cognitif et dans le calibrage de leurs sens. “La première forme d’intelligence chez les bébés est sensorimotrice, c’est-à-dire qu’ils adorent toucher du doigt ce qu’ils voient. Rien de mieux qu’une tablette tactile pour ça”, explique sur France Culture Olivier Houdé, professeur de psychologie cognitive à l’université Paris-Descartes.
Si réapparait à l’ordre du jour l’interdiction du téléphone portable, c’est probablement parce qu’il est bien difficile d’appliquer cette interdiction.
B. L’application difficile d’un texte existant
Les adolescents adorent transgresser les règles. La règle interdisant le téléphone portable en cours ne semble pas épargnée.
Dans cette situation comment peut réagir l’enseignant ?
Bien qu’un règlement existe d’autres normes supérieurs ne peuvent à leur tour être transgressées.
La confiscation n’est pas une sanction prévue par le code de l’éducation nationale. Elle est donc interdite. Seules les sanctions prévues par le Code de l’éducation peuvent être infligées à l’élève. Selon l’article R. 511-13 du Code de l’éducation.
Bien même que cette sanction soit prévue dans le règlement intérieur, celle-ci serait une atteinte au droit de propriétaire de valeur constitutionnelle.
Le Tribunal administratif, dans un jugement de 2004, a estimé que la confiscation d’un effet personnel allait au-delà de la simple punition à orientation pédagogique et qu’elle constituait une véritable sanction susceptible d’être annulée par le juge administratif. Il a été jugé qu’il s’agissait d’une atteinte disproportionnée au droit de propriété.
Seule une confiscation temporaire extrêmement courte (par exemple jusqu’à la fin du cours pendant lequel le portable a sonné) pourrait éventuellement être tolérée.
A l’occasion d’un flagrant délit de tentative de fraude lors d’un examen, le surveillant responsable de la salle d’examen avait confisqué le téléphone portable du candidat le temps de l’épreuve.
Or, même dans ce cas, on a considéré que la confiscation de l’appareil devait être temporaire et que ce dernier devait être restitué à la fin de l’épreuve.
Il faut préciser que les propriétaires du téléphone sont souvent les parents.
En revanche, si un élève est en possession d’un objet dangereux Les acteurs du système éducatif peuvent confisquer le confisquer. Il s’agit d’une mesure destinée à prévenir la survenance d’un acte répréhensible prévue par la circulaire n° 2014-059 du 27 mai 2014 sur les procédures disciplinaires.
Sur le plan de la responsabilité civile la confiscation entraîne des conséquences non négligeables. En effet, si l’élève remet le portable à un enseignant, le gardien de la chose en devient responsable (article 1242-1 du code civil). Donc en cas de casse ou de vol l’enseignant est responsable. Le prix de certains smartphones peuvent atteindre 1.000 € cela donne de quoi réfléchir.
De plus, que faire si l’élève ne le remet pas ? Le prendre sans son accord, pourrait s’apparenter à une soustraction frauduleuse de la chose d’autrui, donc un vol.
En l’absence de remise volontaire du téléphone, il sera difficile de pouvoir le récupérer sauf à risquer un conflit, pouvant dégénérer avec l’élève et voir même avec ses parents.
Au final, c’est bien les enseignants en premières lignes qui connaissent ces problèmes.
C. Les solutions
La première semble être celle vers laquelle nous nous acheminons. Une nouvelle loi sur l’interdiction du portable bien que le texte existant soit difficilement applicable.
La seconde : L’éducation des enfants avec une utilisation pédagogique.
En effet, pourquoi ne pas choisir d’utiliser cet outil pédagogique pendant les activités d’enseignements ?
Il s’agit d’un outil que les élèves n’oublient jamais à la maison.
A quoi peut-il servir ?
Il est possible de télécharger des applications très utiles : calculatrice, dictionnaire, encyclopédie, traitement de texte, tableur.
Il existe de nombreuses applications pédagogiques pour gérer sa classe et pour réaliser le travail (schoology, application de quizz, mots croisés, création de carte mentale).
Au lieu de passer son temps à punir, l’enseignant va utiliser les applications pour créer plus d’interactivités avec les élèves, pour les intéresser car ils vont utiliser leur téléphone pour travailler en classe.
Dans le cadre de la classe inversée l’enseignant va créer des capsules (vidéos) qu’il mettra en ligne. Les enfants à la maison, à l’école, dans les transports pourront les visionner et prendre connaissances de notions essentielles. Pendant le cours, le professeur pourra consacrer plus de temps à réaliser des applications.
L’enseignant pourra ainsi demander aux élèves de noter dans l’agenda de leur téléphone le prochain de voir ou bien mettre un lien pour qu’ils puissent récupérer certains documents. En effet, les élèves perdent leurs feuilles et pourront toujours conserver les liens pour pouvoir retrouver les documents.
Pour ceux qui ne possèdent pas de téléphone, il y aura toujours la possible d’effectuer le travail à partir d’une tablette ou d’un micro-ordinateur. S’ils n’en possèdent pas cela sera l’occasion de se rendre au CDI.
Pour les élèves sans abonnement avec « données » en classe la wifi ou le partage de connexion pourra se réaliser.
Bien entendu, certains élèves utiliseront leur téléphone à d’autres fin, mais c’est déjà le cas aujourd’hui, car ils le font en cachette. Des élèves possèdent même deux téléphones, un qu’ils remettent au professeur quand ils se font prendre et l’autre qu’ils peuvent quand même continuer à utiliser.
Il existe de nombreux sites mettant en avant les applications pouvant être utilisés et cela quelque soit la discipline : langues, mathématiques, histoire-géographie, français.
Il existe aussi des expérimentations au collège et de nombreux sites sur lesquelles il est possible de trouver des applications de nature pédagogique:
http://osonsinnover.education/blog/2015/10/16/usage-du-smartphone-a-des-fins-pedagogiques-en-lycee/
https://canope.ac-amiens.fr/cddpoise/blog_mediatheque/?p=9476
https://langues.ac-versailles.fr/spip.php?rubrique7
Bruno Studer, Président des affaires culturelles et de l’éducation, à l’Assemblée Nationale a pris position, il a écrit sur sa page facebook « “Parfois vous pouvez avoir besoin du téléphone pour un usage pédagogique” Jean Michel Blanquer. C’est une position que j’ai pu défendre auprès du ministre. Elle est malheureusement peu reprise par les commentateurs qui restent sur une interdiction pure et simple. »
Je partage entièrement son avis.
Finalement, dans le cadre de l’allocation de rentrée scolaire, l’achat d’un Smartphone ne coût pas plus cher qu’une calculatrice de moyenne gamme, alors pourquoi ne pas se saisir de cette formidable opportunité de pouvoir utiliser un outil pédagogique dont raffole les élèves ?
Aujourd’hui, le mieux pour cet usage pédagogique c’est l’utilisation d’une phablette, c’est-à-dire un Smartphone à mi-chemin de la tablette tactile.
Si demain le Smartphone est interdit, il faudra également interdire les montres connectées ? Le professeur va-t-il aussi devoir vérifier la montre de chaque élève ?
Je préfère accompagner le progrès que le voir me dépasser.
Mise à jour :
L’ancien article L.511-5 du code de l’éducation “Dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève, d’un téléphone mobile est interdite.”
Le texte initial pour la modification de l’article :
Le nouvel article « Art. L. 511–5. – À l’exception des lieux où, dans les conditions qu’il précise, le règlement intérieur l’autorise expressément, l’utilisation d’un téléphone mobile par un élève est interdite dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges. »
Finalement, contrairement aux titres des journaux, il ne s’agit pas d’une interdiction de l’utilisation du téléphone portable. Il s’agit d’une limitation de son utilisation. Cet article consacre même son autorisation pour les activités pédagogiques et permet de définir des lieux où les élèves pourront utiliser leur téléphone portable..
Il convient aux Directeurs d’écoles et chefs d’établissements de mettre à jour le règlement scolaire pour encadrer l’utilisation de cet outil.
Mise à jour, le texte définitif :
- Modifié par LOI n°2018-698 du 3 août 2018 – art. 1
L’utilisation d’un téléphone mobile ou de tout autre équipement terminal de communications électroniques par un élève est interdite dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges et pendant toute activité liée à l’enseignement qui se déroule à l’extérieur de leur enceinte, à l’exception des circonstances, notamment les usages pédagogiques, et des lieux dans lesquels le règlement intérieur l’autorise expressément.
Dans les lycées, le règlement intérieur peut interdire l’utilisation par un élève des appareils mentionnés au premier alinéa dans tout ou partie de l’enceinte de l’établissement ainsi que pendant les activités se déroulant à l’extérieur de celle-ci.
Le présent article n’est pas applicable aux équipements que les élèves présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont autorisés à utiliser dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre V du livre III de la présente partie.
La méconnaissance des règles fixées en application du présent article peut entraîner la confiscation de l’appareil par un personnel de direction, d’enseignement, d’éducation ou de surveillance. Le règlement intérieur fixe les modalités de sa confiscation et de sa restitution.
D. Évolution depuis 2018
Le nouvel article du code de l’Éducation peine à être appliqué. Aujourd’hui, le Premier Ministre voudrait interdire la détention du portable à l’école et au collège. Dans les faits cela semble compliqué.
Il va falloir aussi interdire les montres connectées. Ce type de mesure est difficilement applicable car impossible de fouiller les élèves à l’entrée de l’établissement et puis certains remettraient leur deuxième téléphone.
Une règle existe déjà, au lieu d’en édicter une autre nous devrions essayer de la faire respecter.
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