Jody Horcholle

Récemment une enseignante a été convoquée pour avoir critiqué le Président de la République. Sa hiérarchie lui aurait reproché de ne pas respecter son obligation de réserve.
La question suivante se pose : Les enseignants sont-ils assujettis à une obligation de réserve ?

Sur le site Service Public, il est indiqué que les fonctionnaires et agents contractuels sont soumis au devoir de réserve. Cette obligation ne concerne pas le contenu des opinions (la liberté d’opinion est reconnue aux agents publics), mais leur mode d’expression.

Le texte de référence en la matière correspond selon le site à l’article 26 de la Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Toutefois, cet article ne mentionne pas ce devoir de réserve : « Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal.

Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ».

Deux obligations sont prévues par ce texte : Le secret professionnel et la discrétion professionnelle.

Ce devoir de réserve relève de la création jurisprudentielle et va être apprécié par le juge administratif. Le Conseil d’État a bâti sa jurisprudence en créant un lien entre le devoir de réserve et deux obligations. La première relève du respect de l’autorité hiérarchique et la seconde porte sur le respect de la neutralité du service public.

Il sera apprécié plus strictement pour les fonctionnaires occupant un poste élevé dans la hiérarchie. Selon la jurisprudence « Les seuls fonctionnaires pour lesquels peut s’appliquer une injonction de réserve, sont les « fonctionnaires d’autorité » qui, placés à un poste hiérarchique de leurs services, ne sont pas libres de leurs expressions dans la mesure où leurs propos personnels pourraient, du fait de leurs fonctions, être compris comme étant la position du service public qu’ils représentent ».

Le droit de réserve ne porte pas sur le contenu mais sur le mode d’expression. Il s’apprécie pendant et en dehors du temps de service.

Une question écrite au gouvernement en 2011 (Question N° : 99545) portait sur la notion de période de réserve électorale. Certains rectorats invoquant pour demander aux enseignants de s’abstenir de prendre part à toute manifestation publique dans la perspective des élections cantonales la neutralité de l’État et des services publics.

La réponse réaffirme l’application de l’article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que « la liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires ». Le principe général est celui de l’application aux fonctionnaires du droit commun des libertés publiques. Il en résulte que les lois qui régissent les diverses libertés publiques, en l’occurrence la liberté d’opinion et d’expression, s’appliquent à tous… Elle s’impose aux chefs de services de l’État et aux agents placés sous leur autorité. Si en principe, tous les fonctionnaires sont concernés par cette obligation, dans les faits, seuls sont visés ceux qui sont amenés à participer, dans l’exercice de leurs fonctions, à des manifestations ou cérémonies publiques… En dehors du service, les fonctionnaires ont, comme tout citoyen, le droit de participer aux élections et à la campagne qui les précède. Ils demeurent toutefois soumis au devoir de réserve « classique », qui s’impose à tout agent public en vertu de la jurisprudence… L’appréciation, à cet effet, du devoir de réserve incombe, sous le contrôle du juge, à l’autorité hiérarchique qui tient compte de divers éléments, tels que le niveau de responsabilité, la nature des fonctions, la publicité donnée à l’expression des opinions, le lieu où le fonctionnaire a exprimé ses opinions, la circonstance qu’il soit investi d’un mandat politique ou syndical. »

Ainsi, ce sont les fonctionnaires amenés à participer à des manifestations publiques dans le cadre de leurs fonctions qui sont visés par ce texte. En dehors de leur temps de services, les fonctionnaires peuvent participer à toutes les manifestations publiques.

Les fonctionnaires disposent comme tout citoyen de la liberté d’exprimer son opinion, de participer à une manifestation publique, de signer une pétition. En revanche, il leur est interdit d’engager l’Éducation Nationale par leur prise de position en la liant à leur fonction.

Le fonctionnaire doit pendant l’exercice de son activité utiliser des propos empreints de modération et respecter la neutralité du service public.

Un enseignant, n’étant pas « fonctionnaire d’autorité » bénéficie de la même liberté d’expression que tout citoyen, à condition de ne pas engager par sa prise de position l’Éducation Nationale.

Il ne faut pas dire « En tant qu’enseignant, je ne peux que dénoncer la mesure prise par le Ministre de l’Éducation Nationale » car cela pourrait signifier que l’Éducation Nationale est opposée à la décision en question.

En revanche, il me semble pouvoir dire sans engager l’Éducation Nationale « En tant que citoyen je dénonce la mesure prise par le Ministre de l’Éducation Nationale »… Et ajouter par exemple « je suis enseignant dans tel lycée » serait-il engager l’Éducation Nationale ? Il semble que cela soit justement la question à laquelle le professeur a dû répondre devant le rectorat lors de sa convocation.

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