Les étudiants et les ouvriers apparaissent comme les principaux acteurs de mai 1968. Les revendications des uns et des autres a permis à notre société d’évoluer. Les évènements de cette époque sont restés à jamais gravés dans notre mémoire collective. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux de nombreux internautes appellent à un nouveau mai 1968. Leur espérance pourrait-elle se réaliser ? Pour cela, il parait important de comparer les acteurs d’aujourd’hui à ceux d’hier.
Les étudiants
Le 22 mars 1968 un groupe d’étudiants, qui appartient aux Jeunesses communistes et révolutionnaires, dénoncent l’arrestation de six de leurs camarades, lors d’une manifestation hostiles à la guerre du Vietnam. La salle du conseil de l’Université de Nanterre est occupée par des dizaines d’étudiants. C’est l’étincelle qui déclenche le mouvement.
Les revendications des étudiants se multiplient. Ils réclament la fin de la séparation entre les cités universitaires réservées aux filles et celles prévues pour les garçons. Ils rejettent la société de consommation, dénoncent la rigidité du pouvoir en général et la manque de place dans les universités.
La France, sur le plan technologique, s’était modernisée depuis 1945, mais aucune évolution au niveau des mœurs et dans les rapports d’autorité n’a eu lieu. Le pays est resté figé dans ces domaines dans le siècle précédent. La jeunesse souhaitait sortir de ce modèle autoritaire tant au niveau de l’éducation qu’au niveau de la sphère familiale.
Cette opposition entre les valeurs générationnelles a contribué aux évènements de mai 1968. Aujourd’hui, elle n’existe plus. Au contraire, nous assistons à un rapprochement des valeurs entre les générations.
Les étudiants d’aujourd’hui s’accommodent mieux de l’autorité en place, ses valeurs sont plus traditionnelles par rapport à mai 1968. Les jeunes diplômés trouvent plus facilement un emploi, par rapport à leurs camarades sortis du système scolaire sans qualification. Aujourd’hui, 1 % seulement des étudiants adhèrent à un syndicat.
Les étudiants de 1968 sont bien différents de ceux d’aujourd’hui. Il n’existe pas de conscience collective forte. Il n’y a pas, dans l’actualité, une cause commune suffisamment importante pouvant les amener à se mobiliser. Un taux de chômage très élevé chez les jeunes diplômés pourrait en revanche être une cause fédératrice pour aller manifester.
Les ouvriers
Après les 30 glorieuses, la France connaît à cette période une dégradation de sa situation économique, notamment avec la hausse du chômage. Dès 1967 les ouvriers font grèves et occupent des usines. Le 13 mai. Début 1968, le pays compte 500.000 chômeurs (soit 2.5 % de la population active) et 2 millions de travailleurs payés au SMIG.
Le 13 mai 1968 les ouvriers se joignent aux étudiants pour défiler. C’est le début de la grève générale. Il y a 50 ans les salariés étaient trois fois plus syndiqués. Un peu plus de 20 % en 1968, aujourd’hui entre 8 et 11 % selon les estimations. En 1968 la CGT comptait 1 940 000 adhérents. En 2017 ce nombre dépasserait sensiblement les 420.000.
Les deux mouvements se désolidarisent très vite. Le gouvernement se concentre sur les négociations avec les syndicats. Le 25 mai, les grévistes atteignent les 9 millions. Le 27 mai, c’est la signature des accords de grenelles. La grève continue. Le 30 mai le Président de la République annonce la dissolution de l’Assemblée Nationale.
Aujourd’hui, le poids des syndicats a diminué. Ils peinent souvent à mobiliser. Avec un fort taux de chômage, plus de 9 %, les salariés sont-ils prêt à faire grève plusieurs semaines et risquer de voir leur entreprise fermer ? Aujourd’hui, 2 millions de salariés sont payés au SMIC. Ce chiffre est du même ordre qu’en 1968. Le SMIG a été remplacé par le SMIC.
Il semble difficile de pouvoir envisager la même mobilisation en novembre 2018 par rapport à mai 1968. A cette époque l’État a négocié avec les syndicats. Aujourd’hui, la CGt n’appelle pas à manifester. Quels seraient les interlocuteurs du gouvernement dans la négociation ?
Les différents apports de mai 1968 pour les salariés
Les gains obtenus sont les suivants : Augmentation de 35 % du SMIG, hausse de 10 % des salaires, création d’une section syndicale d’entreprise et une 4ème semaine de congés payés.
Les revendications d’aujourd’hui portent essentiellement sur le prix du carburant.
Une augmentation de 35 % du SMIC et 10 % des salaires auraient comme corolaire une importante hausse de l’inflation. Les entreprises répercuteraient la hausse du coût du travail dans ses prix. L’inflation pourrait alors s’envoler. Dans cette hypothèse, il convient de citer trois conséquences : la pénalisation des épargnants, la perte de compétitivités pour les entreprises exportatrices et l’augmentation des taux d’intérêt.
A titre de comparaison l’inflation en 1968 s’élève à 4,54 %. En 2018, elle plafonne à seulement 2,3 %. L’année qui a suivi 1968, les salaires ont gagné en moyenne 10 %. Le pouvoir d’achat n’a pas augmenté d’autant, puisque l’inflation a progressé pour atteindre 6,05 %.
Les syndicats devenus moins représentatifs perdraient encore plus en crédibilité en réclamant des mesures en leur faveur.
En 1982, la 5ème semaine de congés payés est instaurée. Après les 35 heures, la tendance se tourne plus vers un retour des 39 h. Les salariés soucieux de pouvoir conserver leur emploi ne prendront pas le risque de réclamer une semaine supplémentaire de congé afin de ne mettre pas en difficulté leurs entreprises.
Les revendications de 1968 sont très différentes de celles d’aujourd’hui.
La France d’aujourd’hui n’est plus celle de 1968. Les attentes des jeunes semblent moins fortes et différentes. Bien plus que réclamer une augmentation de salaire, les salariés veulent surtout se mobiliser pour conserver leur pouvoir d’achat. Une action de nature à mettre en difficulté leur entreprise mettrait de fait en péril leurs emplois. Aujourd’hui, avec un taux de chômage à plus de 9 % chacun à conscience de la difficulté à trouver un nouvel emploi. La capacité de mobilisation des syndicats semble relativement faible. La CGT ne s’associe pas au mouvement de la manifestation du 17 novembre.
Les acteurs d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes. Les protagonistes à l’origine de l’appel à manifester le 17 novembre, ne représentent ni les étudiants ni les ouvriers. Le mouvement a pour point de départ des internautes mécontents de l’augmentation du prix des carburants. Certains viennent les rejoindre et expriment d’autres sources de revendications. Tous ces internautes se mobilisent à travers des groupes Facebook. Il paraît même difficile d’identifier leurs leaders. Ces groupes se sont constitués le plus souvent par département et tentent de s’organiser pour la journée d’actions. Le mouvement parait très faiblement structuré.
Une question importante se pose. Avec qui le gouvernement peut-il négocier si cette journée de mobilisation remporte un grand succès ?
Deux remarques au sujet de ce jour de nature à confirmer la différence avec mai 1968. D’abord, il ne s’agit pas d’un appel à la grève. Ensuite, la journée retenue est un samedi, un jour de repos pour un grand nombre de salariés.
Novembre 2018 ne deviendra pas un mai 1968. Les acteurs en présence sont différents. Les revendications ne portent pas sur les mêmes thèmes. Les évènements de mai 1968 ont conduit à une réaction politique importante puisque le Président de la République a prononcé la dissolution de l’Assemblé Nationale. Une journée d’action n’entrainera pas de conséquences politiques en profondeur sauf… s’il est se poursuit. Le président actuel devra en fonction de l’importance de la mobilisation écouter le peuple.
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