L’application de la présomption d’innocence après le premier jugement : nécessité de nuance
Le principe de la présomption d’innocence est actuellement au cœur des débats dans l’espace public et mérite une explication qui, par souci de justesse, doit être nuancée pour que cette expression soit mieux comprise. La subtilité juridique est souvent perdue dans le discours public, ce qui conduit à une simplification de la réalité judiciaire.
L’expression “présumé innocent jusqu’à la condamnation définitive” est la formule de la sagesse pratique, mais elle occulte une réalité technique fondamentale du droit. Il est donc nécessaire de la nuancer pour coller aux subtilités de notre système.
Partie 1 : Le statut technique : le renversement de la règle de preuve
La présomption d’innocence est une règle fondamentale, mais son application technique après un premier verdict est souvent mal comprise. La formule populaire est trop simple et occulte la nuance essentielle du droit.
Le droit pénal strict considère la présomption d’innocence comme une règle de jeu : “Tant que vous n’êtes pas jugé, c’est à l’accusation de faire ses preuves.”
- Le verdict change tout : Dès que le premier juge rend un verdict de culpabilité, il déclare que la culpabilité est désormais “établie légalement”.
- La présomption est annulée : À cet instant précis, la règle de la présomption est techniquement renversée. L’individu n’est plus “présumé innocent” ; il est un “condamné” qui a le droit de faire appel.
- L’imprécision courante : La formule habituelle est inexacte, car elle cache le fait que le premier jugement a déjà une autorité. Le statut exact est “condamné non définitivement”.
En résumé, techniquement, le titre d’innocent est perdu après le premier verdict.
Partie 2 : Le relais des garanties et la formule exacte
Le système judiciaire est conçu pour que l’appelant ne soit jamais démuni. Tous les droits qui protègent un innocent sont maintenus grâce à l’appel. Il faut nuancer la formule populaire, car d’autres mécanismes précis assurent la continuité des protections :
- Le droit processuel : La garantie principale est l’effet suspensif de l’appel. C’est cette règle de procédure qui bloque l’exécution de la peine et assure le maintien de la liberté, un rôle que la présomption elle-même ne peut plus jouer techniquement.
- Le droit pénal : L’appel garantit la conservation complète de tous les droits de la défense. L’appelant bénéficie à nouveau du droit au doute total pour que le nouveau procès soit équitable.
- Le droit civil: La protection contre les attaques à l’honneur et la stigmatisation publique est assurée par le droit civil (article 9-1 du code civil). Cette protection reste en vigueur tant que la condamnation n’est pas définitive.
Pour ne pas occulter les fondements techniques de notre système, il est plus exact de substituer à l’expression populaire une description plus fidèle :
“La personne, bien que légalement déclarée coupable en première instance, bénéficie du maintien de l’intégralité des garanties découlant de la présomption d’innocence et de l’effet suspensif de la peine, jusqu’à ce que sa condamnation acquière la force de chose jugée.”
Cette formulation est la seule qui reconnaît à la fois la portée du premier verdict et l’étendue maximale de la protection de l’individu par la loi.
Toutefois, il est préférable de dire de l’individu qu’il est présumé innocent jusqu’à ce que sa condamnation soit définitive car la formule la plus sûre. Elle est juridiquement protectrice (Droit Civil) car elle rappelle l’existence des recours et le caractère réversible du jugement.


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